• Je m'éloigne de notre lit, sans faire de bruit, en faisant attention que la porte ne grince pas, et en ne posant pas les talons de mes pieds nus sur le sol.

    Au bas de l'escalier, je prends sur l'étagère le dictionnaire, je me laisse glisser sur la dernière marche, et le pose sur mes genoux. Je tremble.

    Lorsque je l'ouvre, mes yeux s'accrochent immédiatement aux mots. Ils s'accrochent, comme si c'était la première chose qui leur avait été donné de voir depuis des semaines. Ils courent, entre eux, pressés, s'arrêtent sur l'un d'eux, puis reprennent leur course, et mes doigts ne sont pas assez rapides, pour tourner les pages, et les satisfaire avant que je ne me remette à trembler. Mes yeux s'accrochent aux pages, aux mots, et sont soulagés de les y trouver.

    Lorsque je ne tremble plus, mes yeux ne les ont toujours pas laissés. Mais je souris, à présent, je souris lorsqu'ils sont évidents, et je plisse les paupières, lorsqu'ils le sont moins.

    Un bruit en haut de l'escalier me fait sursauter. Je sens chaque parcelle de ma peau se hérisser, je vois mes doigts trembler devant moi. Le dictionnaire, que j'ai déjà refermé, tremble aussi, entre mes doigts. Je le glisse précipitamment sur l'étagère, oubliant de respirer, oubliant de ne pas faire de bruit.

    Le temps s'est figé, en un instant. Un bruit assourdissant s'éparpille tout autour de moi. Un bruit de petits cliquetis, de petits bonds aigus, indisciplinés, un bruit terriblement fin, terriblement interminable. Sur le sol, tout autour de mes pieds nus, des petites perles, minuscules, sautillent dans tous les sens. Elles se cognent sur le sol, et, lorsqu'il n'y a plus de sol, elles ricochent sur les murs, et trouvent encore du sol.

    A mes pieds, un petit sachet de tissu violet pâle, presque transparent, dont le minuscule lien qui le retenait fermé s'est entrouvert, et au fond duquel pas une des perles n'est restée silencieuse.

    La peur m'a fait lâcher le livre, m'a fait lâcher les mots, et il est tombé lourdement à mes pieds; les mots sont en tous sens, les mots n'ont plus de sens.

    Je relève les yeux vers mon Maître, dont le regard est grave. Pas un centimètre de ma peau ne tremble pas, mon cœur est prêt à exploser.

     

    "Qu'est-ce que tu fais ?"

     

    "Je..."

     

    Ma phrase reste sans fin. Je pense à ma promesse. Je pense à ce que j'ai promis à mon Maître, dans une étreinte, et que je n'ai pas respecté. Je pense à ce long sermon pendant lequel j'ai acquiescé sans cesse, et que mon Maître doit croire stérile, en ce moment, en me voyant trembler, au milieu de la nuit, et au milieu des perles.

     

    "Tu as fait un cauchemar ?"

     

    "Non."

     

    Le mensonge m'a prise avant que je n'ai réfléchi. Je mens tant. Je lui mens tant. Je l'aime tant.

     

    Ses doigts pressent mes épaules, et, au bas de l'escalier, je sens mon visage guidé contre Lui. Sa chaleur devrait tiédir mon être, mais je tremble tout autant. Je tremble du mensonge.

     

    Sa main caresse mes cheveux, parcourant patiemment le chemin qui sépare mon visage de ma nuque. Apaisant, encore et encore. Comme on apaise les chiens.

     

    Contre ma peau, son nez est froid, et ses lèvres sont chaudes.

     

    Je ferme les yeux.

    Je murmure "Oui."

    Mais il le savait déjà.

     
     

    "Je croyais qu'on s'était parlés, à propos des cauchemars."

     

    Oui, mon Maître, on s'était parlé. Je sais bien. Et je t'avais promis de ne plus rester seule. Je t'avais promis de ne pas essayer de te cacher mes peurs. Je t'avais promis de m'en remettre à toi, au creux des nuits de peur, je t'avais promis, mais je n'ai pas réussi.

     
     
     

    Il y a peut-être en moi une petite vanité qui me murmure que j'ai toujours survécu seule à toutes les nuits de peur. Une petite vanité qui me murmure que je n'ai pas besoin de Lui pour tout, que je sais m'en sortir. Une petite vanité qui m'achève dans ma solitude et me fait pleurer mon Maître, alors qu'Il est là, juste à côté de moi.

     

    "Je sais, mais...."

     

    Je voudrais lui dire que je suis vaniteuse, et aussi que je suis terrifiée à l'idée d'être entièrement dépendante de Lui, parce que si un jour il me laisse, alors je ne saurai plus m'en sortir.

    Je voudrais Lui dire, aussi, que j'ai peur à chaque seconde de Le déranger, comme j'ai peur à chaque seconde de déranger tout le monde, que je me sens à chaque seconde de trop, que je ne sais jamais si je suis chez Lui, ou chez nous, qu'une barrière invisible que je ne comprends même pas, que je ne saisis même pas, me sépare de Lui, me sépare alors que tout en moi ne réclame que Lui. Je voudrais ... mais je ne sais rien Lui dire.

     

    "... mais tu dormais."

     

    "Et alors ? Mon sommeil est donc si lourd ?"

     

    Il me sourit. Les choses sont toujours si simples, entre Ses lèvres.

     

    "Non."

     

    Il sait, et je sais, qu'Il va me punir. Au milieu de la nuit, dans le silence que rien d'autre que Son souffle, et mon souffle, ne viennent troubler, Il va me punir.

     

    Lorsqu' Il se lève, et s'éloigne, je pense en moi-même que nous sommes deux fous. Que nous sommes deux idiots.

     

    Lorsqu' Il revient, je ne pense plus rien.

     

    "Tends tes mains."

     

    C'est Lui, à présent, qui est assis sur la dernière marche, celle-là même où je tremblais, puis souriais, devant les mots, il y a à peine quelques minutes. Celle-là même devant laquelle je suis à présent à genoux, à genoux... devant Lui.

     

    Mes mains sont sur mes cuisses, et je n'ose pas croiser Son regard.

     

    "Tends tes mains."

     

    Je sens mes paupières se fermer.

    "Non."

     

    Je prie pour qu'Il n'ait pas entendu. Mais Lui, il entend tout. Tout, même ce que je ne dis pas.

     

    Je m'attends, lorsque je relève les yeux, à ce que son regard soit reproche. Reproche à ce "non" qui ne devrait même plus exister dans mon esprit, depuis le temps, mais qui vient pourtant de franchir mes lèvres. Je m'y attends, et pourtant, il n'en est rien. Je crois que son regard est le même que le mien. Je crois que je suis face à un miroir qui me renvoie ce que je pense. Je crois que ses yeux me murmurent, eux-aussi : "Nous sommes deux fous.".

    Il me murmurent : "Nous sommes deux fous, mais tends tes mains quand-même." J'y lis presque un "S'il te plaît, tends-les."

     

    Nos deux êtres sont enfermés dans ces règles dont nous ne sommes plus les Maîtres, nos deux êtres sont terrifiés, face à ce silence qui nous oppresse, nos deux êtres rêvent de se toucher, et pourtant, seule cette règle de métal, entre ses doigts, va me toucher.

     

    Et, bien sûr, face aux murmures de ses yeux, face à la quasi-peur que j'y lis, je vois mes mains se tendre, et se déplier, à un centimètre de la peau de ses cuisses, que je rêve de frôler.

     

    A reculons, les premiers coups tombent. Ils frappent plus fort l'air autour de nous qu'ils ne frappent mes doigts. Plusieurs fois, mes mains se retirent, puis reviennent. Les larmes silencieuses roulent sur mes joues. Je ne pleure pas de douleur. La douleur, il est toujours possible de la nier, toujours possible de la toiser. Je pleure de l'expression sur le visage de mon Maître, au cœur de cette nuit qui nous vole à nous-même, qui ne nous laisse plus le choix. Je pleure de cet air contraint avec lequel il frappe. Je pleure de la culpabilité sur ses traits, lorsque je gémis malgré moi, et qu'il l'entend.

     

    Lorsque mes mains franchissent le centimètre qui les séparaient de ses cuisses, et que le pli de mes doigts rencontre sa peau, les coups cessent.

     

    Je sanglote doucement, mais cette fois-ci, c'est bien de douleur. Cette douleur qui remonte le long de ma peau, interdisant le moindre mouvement à mes mains, les paralysant devant moi.

     

    La règle de métal a quitté Ses doigts. Il me regarde pleurer, attend que le sanglot de douleur passe.

     

    "Qu'est-ce qui t'a réveillé ? Tu me dis ?"

     

    Je murmure "J'ai oublié..." . Ce n'est pas vrai.

     

    "Menteuse."  Ca, c'est vrai.

    "Dis-moi, nine."

     

    Je n'ose pas lever les yeux vers Lui, je n'ose plus rien.

     

    "Mais c'est stupide..."

     

    "Dis-moi."

     

    Je reste silencieuse, encore.

     

    Je vois sa main se tendre vers la règle. Je vois mes mains, à moi, toujours ouvertes entre nous. Mon souffle se coupe. J'utilise l'air qui restait en moi pour chuchoter " J'ai peur de perdre les mots."

     

    Sa main n'a pas pris la règle.

     

    Ma voix s'affole, trop rapide, trop basse, comme de peur d'en dire trop, dans cette nuit qui m'effraie.

     

    "j'ai rêvé que je perdais les mots. J'ai rêvé que je les oubliais. Que je les oubliais, et que j'étais seule. J'ai rêvé que j'étais seule, parce que je ne pouvais plus parler. Je ne pouvais plus parler à toi, et à ceux auxquels je me suis attachée. J'ai rêvé que je ne comprenais plus leurs mots. J'étais si seule, Raphaël, si seule, sans vos mots."

     

    Ma voix se brise, parce que j'ai peur. J'ai peur, parce que ce n'est pas qu'un rêve. Sans les mots, on est seul. Tellement seul. Et les mots ont mis tant de temps à venir. Tant d'années de solitude. Je ne peux pas supporter la solitude. Je suis sûre qu'un jour, je mourrai de solitude. Et si je ne meurs pas de solitude, alors je mourrai de la peur de la solitude. Je mourrai de peur. J'ai peur. J'ai peur. J'ai peur.

     

    Ses bras m'ont serrée contre Lui, et il y fait si chaud que je me demande comment je peux encore y trembler si fort.

     

    "ça n'arrivera pas nine."

     

    "je sais. Mais j'ai eu peur quand même."

     

    Encore et encore, ses lèvres m'embrassent. Je murmure "J'ai peur quand même", et ses baisers redoublent. Longtemps, ses lèvres s'affolent sur ma peau, et je crois qu'elles sont capables d'effacer la peur. Je le crois, parce que je sens mon visage se tendre au sien, et je sens les miennes, les miennes aussi, de lèvres, qui s'affolent contre sa peau.

     

    Lorsque les baisers sont taris, je reste encore de longues minutes dans ses bras. Sa main, à nouveau, m'apaise comme on apaise les chiens.

     

    Entre ses caresses, je regarde en silence les perles, sans rien oser dire.

    Mais à quoi bon se taire, puisqu'il sait tout, avant que je ne le dise ?

     

    "Tu te demandes, pas vrai ? "

     

    Je ne réponds pas. Ma curiosité me fait honte.

     

    "Tu te demandes ce que c'est..."

     

    "Oui."

     

    Il m'écarte un peu de Lui, et je m'assieds à nouveau sur mes talons.

     

    " C'était l' "attrape-rêve" de mon fils, quand il était petit. Tu sais, comme ces objets indiens, trop colorés, qu'on achète sur les marchés."

     

    Je fais oui avec la tête.

     

    "Chaque perle est l'un de ses mauvais rêves."

     

    Je regarde les perles, et mes pensées ne se débloquent pas. Elles restent en moi, ayant du mal à se changer en mots, ayant du mal à exister.

     

    Et puis, d'un seul coup, elles existent. Et ça me paraît Incroyable que j'ai justement fait tomber ce petit sachet de l'étagère où il était glissé juste après un "mauvais rêve", comme dit mon Maître. ça me paraît incroyable, et ça me fascine. Et puis, peu à peu, la fascination s'estompe, parce que je réalise que j'ai cassé quelque chose qui était important.

     

    "Je suis désolée."

     

    Il ne me répond pas, et le remord me gagne.

     

    "Excuse-moi."

     

    Il paraît presque amusé par mon remord. Il me sourit, et répète " C'est pas grave, nine. C'est pas grave."

     

    Il faudrait que mon corps se déplie, pour que mes doigts réunissent les perles, pour réparer. Il faudrait, mais mon esprit n'arrive pas à dire à mon corps de sortir de l'immobilité dans laquelle il s'est enfermé.

     

    Je vois mon Maître se baisser, et ramasser. Et j'en veux à mon esprit. Et j'en veux à mon corps.

     

    Mon Maître saisit le dictionnaire, sur le sol, l'ouvre au hasard, et me sourit.

     

    "compartiment."

    Et mon Maître glisse une perle, dans le sachet.

     

    "Qu'est ce que tu fais ?"

     

    Il me sourit, encore, et me fait signe de me taire.

     

    "corpulence"

    Et à nouveau une perle, dans le sachet.

     

    Je ris doucement.

     

    "Arrête, Raphaël, c'est stupide, je ne suis pas une petite fille."

     

    Il prend un air agacé.

     

    " Tsstss ! tais-toi !"

     

    Il remue une main dans ma direction, comme pour balayer ce qu'il reste du son de ma voix dans l'air.

     

    "correspondre"

    Et la petite perle cliquette contre les autres, au fond du sachet.

     

    Mon Maître arbore devant moi un visage ravi, son sourire s'agrandit à chaque petite perle.

    Et ses lèvres prononcent chaque mot avec une application que je ne lui connais pas.

     

    "corroborer"   

    "corrosif"

    "corsage"

     

    Et le niveau, dans le petit sachet, monte.

    En le regardant, accroupi sur le sol, dans la pâle lumière de la nuit, je pense un instant que personne d'autre que Lui n'aurait pu faire ça, à ce moment, à cette heure, personne d'autre que Lui n'aurait pas trouvé ça grotesque, personne d'autre que Lui. Et je sens l'amour m'envahir si fort que je ne peux pas m'empêcher de sourire...sourire... et sourire encore...

     

    "cosmétique"

    "cotation"

     

    Nos deux rires s'élèvent à présent à chaque mot. Merci, mon Dieu, merci que mon Maître existe. Merci.

     

    "Tu sais, nine, les choses ont le sens et la valeur qu'on leur donne."

     

    Je soupire doucement, et me love contre Lui.

    "Oui."

    Oui...  D' "attrape rêve" , le petit sachet est devenu "retiens-mots". De rien du tout, le petit sachet est devenu quelque chose. Mais ce n'est pas "on" qui leur a donné de la valeur. Ce n'est pas "on", mais mon Maître. Mon Maître, et juste Lui. Je t'aime, Raphaël.

     

    "Fais voir tes mains."

     

    Je les lui tends.

    Il les regarde, les tourne entre les siennes, examine les marques. Je me laisse faire, sans opposer de résistance, même lorsqu'il me fait mal.

     

    "ça va."

     

    Il me tend le petit sachet, et pousse le dictionnaire devant mes genoux.

     

    "Tiens. Je te laisse finir.

    Quand tu auras fini, monte, et on le fermera à deux, d'accord?"

     

    "D'accord."

     

    Je le regarde s'éloigner, monter l'escalier... Il est si beau. Si beau. Si beau.

     

    "côte."

    "coteau."

     

    Ma voix n'est qu'un murmure, qui dérange si peu le silence cotonneux, qui m'entoure.

     

    "côtelé"

    "coter".

     

    Les petites perles cliquettent, et cliquettent, et cliquettent...

     

    "couleuvre"

    "couloir"

     

    .......

     

    A la dernière perle, je soupire de soulagement. Et je souris.

     
     

    A peine à ses côtés, à genoux sur notre lit, je sais à sa respiration qu'il s'est déjà rendormi.

    Je n'ai pas envie de refermer le petit sachet toute seule. Je n'ai pas envie. Mais je n'ose pas le réveiller. Encore...

     

    Dans son sommeil, je vois un sourire se dessiner sur ses lèvres.

     

    Et un murmure : "Mon sommeil est donc si lourd, nine?"

     

    Je ris.

     

    "Non.

    Non...."

     

    Mes doigts, et ses doigts, tire chacun l'une des extrémités du minuscule petit lien violet. Et ré enferment les perles. Et enferment les mots.

     

    "ça va mieux ? "

     

    "oui."

     

    "Alors dors, maintenant, c'est presque le matin déjà, regarde."

     

    Je regarde par la fenêtre, et le rai de lumière encore blanche me surprend.

     
     

    Je me love contre Lui. Mes jambes repliées entre nous deux, mon corps me paraît ridiculement petit, à côté du sien.

    J'ai envie de lui dire merci. Mais il dort déjà, mais il dort encore... Oui, je sais bien, son sommeil n'est pas si lourd... Mais mon merci reste tout de même un murmure. Murmure tiède contre son torse brûlant.

     

    Je serre un peu plus fort le petit sachet contre mon cœur. Et je dors. Et je L'aime.


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  • Le ciel gronde si fort que mes épaules se contractent à chaque coup de tonnerre, et mes bras resserrent plus fort ma veste autour de moi. C'est un orage sec, le genre d'orage qui menace pendant plus d'une heure avant d'éclater, et duquel les rares premières gouttes ne sont pas composées d'eau, mais de poussière. Le genre d'orage dont l'air a la texture poussiéreuse du vent venu de l'autre côté de la Méditerranée, et qui laisse l'image de minuscules petits ronds clairs sur tout ce qu'il touche, les pare-brises des voitures, les fenêtres, les vitrines des magasins, et même sur moi.

    Lorsque j'arrive sur notre trottoir, un soupir venu de ma poitrine se joint à ce vent malsain et salissant, soupir de déception, mais avant tout soupir d'inquiétude.

    Quatre jours. Quatre longues journées. J'ai beau savoir que ce n'est rien, quatre jours, dans une vie, que ce n'est rien, pour moi, ces quatre jours sont tout, interminables, inqualifiables...

    Et sa voiture qui n'est pas là... Et Lui, qui n'est pas là... Et toujours cette même pensée qui m'obsède: et s'il ne revenait pas? Combien de fois cette pensée m'a prise, faisant se tordre mon cœur dans ma poitrine si fort que j'ai cru qu'il allait exploser, crispant chacun de mes muscles, coupant mon souffle, noyant mes pensées dans un chaos incohérent et terrifiant, m'ôtant toute lumière... combien de fois?

    Dessinant les pires scénarios dans mon esprit :

    L'accident... mes poings se serrent.

    Le non-désir de rentrer, en Lui... le non-désir de moi... mes poings se desserrent, et malgré-moi, la résignation me prend. Comme à chaque fois.

    Je pousse notre porte, tourne la clé dans la serrure, derrière moi.

    Pourvu qu'il n'y ait pas de cinquième jour... Pourvu qu'il n'y ait pas de cinquième souffrance...

     

    Je crève d'envie de l'appeler, juste pour entendre Sa voix, même juste pour une minute... Mais notre portable est dans ma poche, et je n'ai pas les clés de Lui. Il me les a reprises, pour quelques jours, Il me les as reprises, parce qu'il est libre. Et même si notre portable n'était pas dans ma poche, mais dans la Sienne, je n'appellerai pas. Je n'appellerai pas, parce qu'Il est libre. Je souffre, parce qu'Il est libre.

     
     

    Reviens, mon Maître, reviens-moi vite. Peu m'importe d'où tu reviens. Ces quatre jours ne sont pas rien. Ces quatre jours sont tout. Je me sens si seule. Le silence de cette maison m'obsède. Et j'ai beau monter le son de nos chansons, rien ne te remplace.

    Tellement seule, quand tu n'es pas là. Je ne vois même plus les sourires des autres, je ne vois plus la lumière. Reviens-moi.

    Reviens-moi.

     

    Le bruit de ta clé, dans la serrure. Mon cœur qui bondit. Tu as entendu ma prière, alors ? Tu l'as entendue, et tu y as répondu. Il n'y aura pas de cinquième souffrance.

    Je sens d'ailleurs les quatre premières s'envoler de moi, elles n'existent plus, tout mon être n'est déjà plus que joie, et sourire.

    Ma clé t'enferme dehors. Tu agites la tienne. Tu te débats, à présent, n'est-ce pas, contre ta liberté ? Tu te débats, là, dehors, comme l'orage qui s'agite autour de nos murs, et tu essaies de lui échapper.

     

    Mes doigts retirent ma clé, ils tremblent d'impatience, ils tremblent de Toi.

    Ton visage, ta voix, ton sourire, ton odeur, ta chaleur... Elle est où, ma souffrance? Où est-il, celui qui a dit que je souffrais, où est-il, que je puisse lui dire qu'il a eu tord. Qu'il a eu tord.

     
     
     
     
     

    Entre Ses doigts, un petit pot de plastique couleur terre cuite, léger, qui tient dans la main. Et de la terre humide qui l'alourdit, de petites feuilles vert cotonneux, qui s'échappent dans toutes les directions.

     

    Je souris à mon Maître, et je remercie. Je remercie toujours pour les petites Saint Paulia. Et pourtant, Dieu sait comme je les hais. Je les hais, car elles viennent de l'absence de mon Maître. Je les hais, car elles me rappellent ma souffrance, elles me rappellent le manque.

     

    Je détourne les yeux de ce vert si tendre, et si cruel.

     

    "Merci Monsieur. Merci."

     

    Déjà, il s'éloigne. je sens la terre fraîche et humide, entre mes doigts.

    Merci, petite Saint Paulia, de me l'avoir ramené. Ce n'est pas vrai que je vous hais. Vous me le ramenez, toujours. C'est tout ce qui compte.

     

    Accroupie sur le rebord de la fenêtre, je pose la Saint Paulia à côté des autres. Elles sont alignées les unes avec les autres, entre le verre de notre fenêtre, et le fer fin de la petite grille qui les retient de tomber dans le vide. Elles sont alignées, et je n'ose pas les compter, et je tremble.

     

    Elles sont nues, en ce moment, mais il arrive que de petites fleurs mauves, dont la base des pétales est orangée... ou jaune... je ne sais plus... il arrive que de petites fleurs d'une couleur que je ne sais plus s'élèvent en leur cœur, serrées les unes contre les autres, au bout de leurs tiges fines, frêles, fragiles. Deux fois par an. Parfois trois.

     

    La vérité, c'est que je ne sais pas combien il y a de Saint Paulia, sur notre fenêtre, parce que je ne veux pas les compter, que je ne sais pas la couleur des Saint Paulia, que je ne sais pas combien de fois par an celle-ci se transforme... Pas plus que je ne sais quand mon Maître repartira, ni combien de fois, ni combien de temps, ni quand il reviendra, ni à quoi ressemblent les endroits des heures qui me le volent.

    La vérité, c'est que je ne sais Rien, sinon qu'Il est libre.

     

    Les petites bouteilles de gouttes à gouttes que j'ai fixées sur la grille, et qui me servent à arroser les Saint Paulia pour qu'elles ne meurent pas, mais sans avoir besoin de venir les voir trop souvent sont toutes vides.

    Je sens mon corps accroupi trembler devant cette fenêtre ouverte, trembler devant ces volets métalliques mi-clos, trembler dans le petit courant d'air de l'orage qui arrive, trembler devant les gouttes à gouttes vides, trembler devant le peu de place qu'il reste sur l'appui de fenêtre pour mettre d'autres Saint Paulia, si d'autres viennent.

     

    "Pourquoi tu trembles si fort, ma nine?"

     

    Je sursaute, car je n'ai pas entendu mon Maître entrer dans la pièce. Je n'ai pas entendu, parce que mes dents claquaient les unes contre les autres, claquaient de froid, dans ma bouche.

     

    Je murmure "j'ai oublié."

     

    "Tu as oublié quoi, nina ? "

     

    "J'ai oublié de les arroser."

     

    Il me contourne, s'accroupit à côté de moi, et regarde les gouttes à gouttes vides.

     

    "C'est pour ça que tu pleures?"

     

    Son index récupère sur ma joue une larme que je n'avais pas sentie venir, une goutte de chagrin, qui est passée de ma peau à sa peau, devant les gouttes à gouttes vides.

     

    "Oui."

     

    Je sais qu'il ne comprend pas.

     

    Je murmure " Je voulais traiter les Saint Paulia mieux qu'on ne se traite nous-même".

     

    Ses doigts caressent mes cheveux, le plat de sa main qui presse dans mon dos rapproche ma poitrine de la sienne, et le froid s'enfuit de moi.

     

    Mon visage contre son cœur, dont je sens les battements, si lents, si réguliers, comparés aux miens, je m'entends chuchoter :

    "Il y a des gens qui s'en voudraient l'un à l'autre, de ça."

     

    Mon Maître me repousse doucement, et me fixe.

     

    "Oui. Mais pas nous .  "

     

    Je ne sais pas si ses mots sont une question, ou une affirmation. Je ne sais pas.

    Je murmure "Non. Pas nous."

    Il faudra qu'il me fixe longtemps avant que mes yeux ne se relèvent vers les siens, mais dès que je les rejoins, j'y trouve tant que mon visage, contre son cœur, se hâte de confirmer mes mots.

    Et, accroupie devant la fenêtre entrouverte, je l'embrasse, je l'embrasse, et je l'embrasse encore, jusqu'à ce que tout mon être ne soit plus qu'un baiser, ne soit plus que tendresse, tendresse tendue vers Lui. Lui. Lui. Et uniquement Lui.

     
     
     

    Sous le filet d'eau tiède, je remplis les gouttes à gouttes. Lorsque son corps s'appuie contre le mien, et qu'il m'enserre, le filet d'eau quitte le goulot de la bouteille, et vient s'écouler le long de mes avants-bras. je soupire de désir de Lui. je murmure "j'ai envie de Toi."

     

    Dans ma nuque, ses lèvres articulent "Je sais", et je sens son sexe, contre mes fesses, qui durcit aussi vite que mon envie monte dans mon ventre.

     

    Il me soulève, entre ses bras, et mes jambes s'entourent autour de Lui, tout mon corps ne réclame déjà plus que Lui.

     

    Il monte les escaliers, et mes membres se crispent. Les gouttes à gouttes sont toujours entre mes doigts.

    "Moi aussi, nine, j'ai envie de toi. Mais j'aurai plus envie encore lorsque tu auras souffert pour moi."

    je murmure: "j'ai déjà souffert pour Toi."

    Je pense à l'absence. Je pense à l'attente. Je pense à l'inquiétude, qui a tordu mon ventre.

    Mais il n'entend pas.

     
     
     

    Mes fesses et le bas de mes reins sont posés sur le bois dur de la table. Seul contact fixe avec ma peau.

    Les gouttes à gouttes sont posés en désordre de chaque côté de mes hanches, sur le bois.

     

    Mes membres sont écartés, écartelés. Mes jambes, et mes bras. Les liens tirent jusqu'à ce que la douleur me fasse gémir.

    Et lorsque j'ai assez gémi, ils serrent.

     

    Je me débats pendant quelques minutes, je panique, j'essaie de trouver mon équilibre. J'ai l'impression d'être un insecte pris dans la toile d'une araignée, mes gestes, dans mes liens, sont désordonnés, précipités. Et lorsque, au bout de longues minutes, le souffle court,  je comprends enfin que j'ai beau chercher, mon corps n'aura pas droit à cet équilibre qui me fait défaut, je finis par m'immobiliser, enfin. Et je trouve la sensation de sécurité que je cherchais dans la pression de mes liens, autour de mes poignets, et de mes chevilles.

     

    Mon Maître est resté calme, il m'a regardée m'agiter sans me parler, pendant que je me débattais. Il sait bien que je finis toujours par me calmer.

    Et je suis si bien, à présent.

     

    Mon Maître saisit les petits gouttes à gouttes de plastique de chaque côté de mes fesses, et utilise le système de fil de fer que j'y avais moi-même fixé, pour les accrocher à la corde fine de mes liens, au-dessus de moi.

     

    Je ferme les yeux.

     

    J'entends les petites molettes se tourner, à peine.

    Je ne sens rien.

     

    Mon Maître glisse une main entre mes jambes maintenues écartées , et me caresse. Le désir monte instantanément dans tout mon être, je gémis, et me tends vers la caresse. Elle se prolonge, quelques secondes, accélérant mon souffle, trempant les doigts de mon Maître et l'intérieur de mes cuisses de toute cette envie, contenue, et qui a besoin d'être comblée, puis s'estompe, aussi vite qu'elle est venue, et me laisse tremblante de désir entre mes liens.

     
     

    Ses pas s'éloignent. La porte se referme sans bruit.

     
     

    Le bas de mon corps tremble encore, comme s'il cherchait encore ses doigts. Mais, entre mes cuisses écartées, l'humidité qui s'échappe de mon intimité ne trouve qu'un air froid, un air qui n'enlève pas l'envie, mais ne la comble pas non plus.

     

    Lorsque la première gouttelette d'eau encore tiède tombe sur la base de mes lèvres, juste à l'endroit où le plaisir se décuple, tout mon être se tend. La goutte s'enfuit entre mes lèvres, s'écoulant sans hâte le long de leur forme lisse, puis meure à l'entrée de mon intimité.

     

    Une seconde gouttelette tombe sur mon sein, juste au centre de mon sein, suivie presque aussitôt par une autre, sur mon autre sein.

    Puis une autre, à nouveau sur mon intimité.

     

    Et une autre encore...

    Les gouttes s'écoulent avec une lenteur exaspérante le long de mes lèvres intimes, et sur la surface de mes seins, dont les tétons sont si dressés qu'on dirait qu'ils se tendent vers la torture, qu'ils se tendent d'envie...

     

    Chaque gouttelette me paraît plus cruelle, plus insupportable que la précédente. Tout mon corps tremble, j'essaie de me débattre, simplement pour dévier  ne serait-ce que d'un centimètre le point d'impact de ces minuscules gouttes sur ma peau, mais mes liens sont si serrés que je ne peux pas bouger, mon corps reprend sa position initiale en moins de 20 secondes, et les gouttes continuent, inlassablement, impitoyablement, à jouer avec mes nerfs.

     

    Mon corps est si tendu que j'ai l'impression que mes muscles vont se rompre. Chacun de mes membres est envahi de crampes, dont la douleur se promène dans mon corps, lentement, sans possibilité de la faire cesser. J'essaie de me détendre, mais les gouttes font sans cesse renaître l'envie au creux de mon ventre, ce sont presque des chatouillements, et plus le temps passe, plus les réactions de mon corps, et les gémissements de dépit dans ma gorge sont importants.

     

    L'eau est si fluide, le long de mes seins, et au bas de mon ventre. Si fluide, si insaisissable. Comme le nombre de Saint Paulia sur le rebord de la fenêtre, comme la couleur de leurs fleurs, comme les absences de mon Maître.

     

    Le désir me cerne, quand il n'est pas dans mon ventre, il est dans ma poitrine, je ne suis plus que désir, sous ces gouttes d'eau dont pas une ne me semble faire descendre le niveau dans les petites bouteilles, je ne suis plus que désir, et ma tête me tourne, si fort, si fort...

     

    Mon corps se tend, tant de fois, tremblant, se débattant, même si c'est inutile. Comme si la raison qui l'habitait l'avait lâché, comme si je n'étais plus Maître de moi-même.

     

    Les petites bouteilles, au-dessus de moi, enserrées dans mes liens, se troublent, et tournent autour de mon visage. Elles ressemblent à des perfusions.

    Perfusions de cortisone.

    Non.

    Perfusions de Lui.

     

    J'ai envie de mon Maître, tellement envie qu'un sanglot se forme dans ma poitrine, une onde d'envie de Lui me fait m'arquer toute entière, à présent, à chaque gouttelette.

    Mes larmes, sur mes joues, ont pris le rythme lent des gouttes à gouttes, et chaque goutte me tire une larme de plus.

     

    Dehors, le vent s'est enfin calmé, et sur la vitre, derrière moi, j'entends les premières gouttes de pluie de l'orage.

    Gouttelettes dehors, gouttelettes dedans, gouttelettes sur ma peau, gouttelettes sur le rebord de la fenêtre, gouttelettes sur mes joues, gouttelettes sur les feuilles au vert cotonneux des Saint Paulia.

    L'orage se rapproche, il gronde de plus en plus fort. Le tonnerre dissimule le bruit de mon sanglot.

    Et il éclate. Le tonnerre. Et mon sanglot.

     
     

    Le bruit a masqué celui des pas de mon maître, et lorsque j'ouvre les yeux, son visage me sourit. J'essaie d'articuler des mots qui ne veulent rien dire, puis je me tais.

    Ses doigts cajolent mon visage, pendant que les gouttes continuent de me torturer.

    Sa voix est un murmure si doux que mon sanglot se tait.

     

    "Tu sais ce qu'on dit, nine ?"

     

    Je fais non avec la tête.

     

    "On dit que trois secondes qui séparent le bruit du tonnerre de l'éclair équivalent à un kilomètre qui nous sépare réellement de l'orage."

     

    Je soupire doucement.

     

    "Tu le savais ?"

     

    "Non, Monsieur."

     

    Je ne savais pas.

     

    Lorsqu'il défait les fils de fer qui maintenaient les gouttes à gouttes au-dessus de mon corps, je sens mes dernières larmes s'échapper, précipitamment. Ce ne sont plus des larmes de dépit, mais des larmes de soulagement.

     

    Pendant une minute, il me semble sentir encore l'arrivée des gouttelettes sur ma peau, et, régulièrement, mon corps se crispe. Puis, peu à peu, je finis par me détendre, et je souris à mon Maître.

     

    La pièce s'éclaire d'un seul coup. Je sursaute.

    Lorsque la semi-obscurité nous revient, je vois le bras de mon Maître se relever au-dessus de moi, j'entends le martinet souffler doucement dans l'air, et je sens ses lanières retomber sur mon intimité offerte. Les coups, sans interruption, tombent entre mes cuisses.

    Je n'ai pas eu le temps de crier.

     

    Les coups cessent aussitôt que le tonnerre gronde.

     

    "Combien, ma nine ?"

     

     Je secoue doucement la tête, en le fixant, sans comprendre.

     

    "Combien de kilomètres nous séparent de l'orage ?"

     

    La douleur a été si vive, et si soudaine, que je n'ai pas compté les coups.

     

    "Je ne sais pas, Monsieur. "

     

    Il rit. " Je m'en doutais."

     

    Il s'appuie contre le bois de la table, et attend, en caressant mes seins, de sa main libre. Ses caresses sont de plus en plus appuyées, il serre mes seins entre ses doigts, les tire, les tord, y enfonce ses ongles, il joue avec mes tétons, les tournant sur eux-mêmes, et les pinçant entre les ongles de son index et de son pouce. La douleur que ses doigts me procurent me fait un bien fou, elle gomme le brouillard que la torture des gouttes d'eau avait mis dans mon esprit, et je voudrais qu'il puisse me faire plus mal encore, pour me ramener tout à fait à Lui...

    Je crois qu'il attend le prochain éclair.

     

    Lorsque la lumière envahit à nouveau la pièce, ses doigts quittent aussitôt mon sein. je me contracte, et je me concentre. A peine la pénombre revenue, le martinet s'élève à nouveau au-dessus de moi, puis s'abat entre mes cuisses. Entre mes gémissements de douleur, je ferme les yeux, et je compte.

     

    Neuf coups.

    Neuf secondes.

     

    Lorsque j'ouvre à nouveau les yeux, le tonnerre finit de se taire, et mon Maître me regarde, l'air ravi.

     

    Je lui murmure "Trois kilomètres."

     

    Il me sourit.

     

    "C'est bien, ma nine."

     
     

    Jamais un orage ne m'a paru si long.

    L'orage s'est éloigné, lentement, si lentement, et a continué à gronder audiblement tant de fois. Chaque éclair a été le point de départ de ma douleur, de plus en plus appuyée, entre mes cuisses trempées, et de plus en plus longue, à mesure que le nombre de kilomètres nous séparant de l'orage s'accentuait. J'ai compté, à chaque fois. Lorsque le martinet n'a plus été supportable, c'est la main de mon Maître qui l'a remplacé. Combien de fois mon corps s'est arqué, si près de jouir, sous sa main qui s'abattait sur mon sexe, encore et encore ?

    Lorsque l'orage a enfin été assez loin pour que mon Maître ne l'entende plus, j'ai senti les liens se desserrer, autour de mes poignets, et de mes chevilles, et j'ai crié de douleur, en repliant mes membres, restés pendant si longtemps étirés et écartés au maximum de leur possibilité, qu'ils semblaient ne plus vouloir ou ne plus pouvoir se plier.

     
     

    J'ai senti les doigts de mon Maître masser mes articulations, l'une après l'autre, pour leur faire retrouver leur souplesse, et leur mobilité. Je l'ai laissé me manipuler, me "réparer", en observant chacun de ses gestes. Je l'ai regardé soigner ma peau rougie, tamponnant le petit carré de coton contre mon corps tremblant, en claquant doucement sa langue, quand je me plaignais, pour me faire taire, et en embrassant la commissure de mes lèvres, pour me consoler.

    J'ai gémi un petit peu plus fort que la douleur ne me le commandait, simplement pour que cette tendresse et ce soin qu'il mettait à ce que j'aille mieux dure un peu plus longtemps.

     

    Lorsqu'il m'a prise dans ses bras, et a descendu l'escalier, sa chaleur m'a parue si tendre que j'ai pleuré doucement, contre Lui, sans qu'il ne s'en aperçoive.

     

    Sur notre lit, j'ai relevé de moi-même mes avants-bras au-dessus de mon visage, pendant que son sexe entrait en moi, pour que ses doigts puissent serrer mes poignets, serrer aussi fort qu'il le désirait.

     

    J'ai gémi, autant de douleur que de plaisir, sous son corps enfin retrouvé, lorsque son sexe s'est affolé en moi, un peu plus à chaque seconde, pendant que ses lèvres mordaient les miennes, et que ses doigts serraient mes poignets entre eux, ravivant la douleur de mes liens, ne les relâchant que pour gifler mon visage, puis les reprenant, et serrant plus fort encore, et j'ai crié, crié de plaisir, moi qui ne sais que me taire, lorsqu'il s'est enfin immobilisé en moi, et que j'ai senti sa chaleur brûlante inonder l'intérieur de mon ventre.

     

    Mon souffle et le sien se sont calmés tout doucement, l'un contre l'autre, et mon Maître s'est endormi, sans que son corps n'ait quitté le mien. Allongée sous la lourde tiédeur de mon Maître, que je pouvais sentir respirer calmement au-dessus de la mienne, j'ai fermé les yeux, j'ai écouté les dernières gouttes de pluie mourir sur la vitre, j'ai pensé aux Saint Paulia, j'ai pris conscience des restes de douleur qui se diffusaient calmement dans mon corps, je me suis concentrée sur le souffle de mon Maître dans ma nuque, puis, enfin, j'ai dégagé mes poignets de l'étreinte de ses doigts où ils étaient toujours emprisonnés , au-dessus de mon visage, j'ai entouré mes avants-bras autour de Lui, et je me suis endormie, ne pensant plus à autre chose qu'à sa chaleur, autour de la mienne.

     

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