• Une semaine que j'attends......
    Raphaël a voulu que nous jouions à "Pounci"..... pounci du plaisir..... pounci de mon plaisir..... une semaine.....  
    chaque soir, il me regarde d'une manière telle que je me dis.... ça y est ! c'est fini ! je lui souris, me fait chatte sous son regard, et espère..... mais non. pas encore. pourquoi c'est toujours lorsque l'on est privé de quelque chose que l'on en ressent si fort le besoin?  
     
    ce soir..... ce regard.... je décide de faire mine de ne rien voir.... je vais et je viens, comme si je n'espérais plus. son air se fait moqueur.... je le hais. je l'adore. j'ai envie de lui.....
     
    je suis en train d'étendre les draps sur notre lit.... lorsque son corps se serre contre le mien. une onde d'envie traverse tout mon corps, de bas en haut.... s'attardant dans mon ventre.... je gémis doucement.... ses doigts s'amusent avec mes seins, quelques secondes... fugitives.....  
     
    le téléphone sonne. contre ma nuque, je sens les lèvres de Raphaël qui se crispent.... et un soupir déçu envoie voler quelques mèches de mes cheveux contre ma joue..... je ferme les yeux, pour faire taire l'envie.... l'envie de lui....
     
    C'est Mathilde. je détourne le visage, et fais un pas vers la porte, pour m'éclipser.... en une seconde, je ne suis plus à ma place..... en une seconde.
     
    Lorsque j'arrive à l'entrebâillement de la porte, je sens le bras de Raphaël contre ma peau me retenir. j'essaie de me dégager..... mais son regard sur moi se fait tendre..... et je suis incapable de ne pas lui céder. je reste, mais pour rien. je reste pour rien.....
     
    j'entends sa voix, à elle, métallique à cause de la distance qui me sépare du combiné..... sa voix semble égale d'un mot à un autre.
     
    C'est Mathilde. Sa Femme.
     
    "je sais Matou......
     
    "calme toi, Matou,  juste une seconde......"
     
    la voix est pourtant toujours égale, d'une phrase à l'autre.... je fixe le couloir..... le petit bout de couloir, qui dépasse dans l'entrebâillement de la porte.... je voudrais quitter cette chambre, Maintenant. disparaître et ne revenir que lorsque j'aurai ma place à moi, dans sa chaleur.  
     
    de la main, Raphaël me fait signe de m'approcher. pourquoi? je ne veux pas qu'il joue avec moi alors que Mathilde distille des mots que je n'entends pas, dans son esprit.....
     
    il insiste.... je m'approche. sans bruit, il prend mes doigts entre ses doigts, et glisse le téléphone dans ma main.... je le garde éloigné de moi.... je fixe le regard de Raphaël, sans comprendre.... j'ai l'impression que le téléphone pourrait brûler ma peau. j'ai l'impression que Mathilde pourrait brûler Notre âme.
     
    un signe de la main. il veut que je raccroche. alors que la voix continue de métalliser notre tiédeur.... je perçois quelques mots....  
     
    "tu es un irresponsable. tout ne s'arrange pas toujours. tu n'es pas au dessus des autres, Raph. la vie se vengera si tu continues de la toiser....."
     
    un silence..... comme si Mathilde avait compris qu'il ne l'écoute déjà plus.
     
    "tu m'entends? Raph, tu m'entends?"
     
    moi, en tout cas, je ne veux plus l'entendre..... les yeux fixés sur les doigts de mon Maître, qui m'intiment l'ordre de raccrocher le combiné, je pose doucement l'appareil à sa place. un clac, et la voix se tait..... c'est bon qu'elle se taise..... c'est si bon..... je retrouve mon oxygène.....
     
    Raphaël laisse passer quelques secondes, puis, les yeux dans les miens, décroche à nouveau le téléphone, et le pose sur la tablette. pour qu'il ne sonne plus. je lui souris..... je ne suis pas certaine d'en avoir le droit, mais une tendresse inconnue est en train de m'envahir.
    La voix métallique, normalement, me rend nerveuse.... parfois un peu haineuse..... parfois exaspérée.... parfois malheureuse.... ce soir, je ne sais pas pourquoi, mais tout mon être semble n'être que tendresse..... malgré Elle.... ou peut-être, étrangement, grâce à elle.... je ne me l'explique pas.
     
    Raphaël paraît surpris par ce petit sourire sur mes lèvres.... je sens bien qu'il ne sait pas comment réagir.  
    C'est pourtant facile..... Raphaël, c'est si simple..... sois mon Maître.  
     
    il passe une main sur mon visage. son "doute" s'efface, tout doucement, dans le noir de mes yeux..... et laisse place l'expression que je connais si bien.
     
    " Tu montes Nina."
     
    je lui souris. c'est plus fort que moi..... l'envie est revenue, décuplée par la voix métallique de Mathilde. c'est nouveau......une sensation que je ne connaissais pas..... c'est......odieux, immoral, et pervers..... je voudrais, je voudrais tellement me détester de ressentir ça...... mais j'ai beau essayer, je n'y arrive pas.....  
    un mot danse dans ma tête: Victoire.  
    ça devrait être interdit de penser des choses aussi infâmes.....
     
    je monte jusqu'à Notre pièce, et retire rapidement mes vêtements..... je m'agenoue au centre de la pièce.... et garde les yeux baissés lorsqu'il s'approche de moi..... est-ce que c'est humain d'avoir autant envie de lui? est-ce que c'est possible?  
     
    il dérange mes cheveux du bout des ongles, et s'éloigne vers le coin de la pièce..... j'entends qu'il tire doucement la table à côté de moi..... je ferme les yeux de désir.
     
    il déroule une rallonge, qui tombe mollement sur le sol.... j'ai envie de regarder, mais je me retiens.... je fixe le sol, devant mes genoux, en essayant de calmer ma respiration, qui s'affole plus encore de désir que de peur.....
     
    j'entends un bruit électrique dont l'intensité augmente progressivement, puis se tait..... comme les néons colorés qui ornent l'extérieur des hôtels bon-marché.....
     
    "lève toi ma Nine".
    j'obéis, glisse un regard vers la table..... une ampoule nue, jaune, est posée en son centre, au creux d'un bougeoir qui n'en laisse dépasser qu'un petit morceau orphelin de lumière crue.
    la rallonge court sur la table, et se perd vers le mur......
    un morceau de tissu pâle recouvre l'ampoule......
    je jette un regard interrogateur à Raphaël. il tient entre ses bras une couverture claire et......il arbore une mine ravie.....  
     
    il pose la couverture, pliée en six, devant l'ampoule, sur la table.....
     
    "viens ma belle."
     
    je m'approche de la table, sans bien comprendre quel sera notre jeu......
     
    lorsqu'il m'aide à m'allonger sur la table, mon ventre frôle l'ampoule, et je pousse un petit cri de surprise..... elle est brûlante..... je jette un regard effrayé à mon Maître, et me recule, posant mes fesses sur mes chevilles.
     
    la douceur de ses gestes aura raison de toutes mes craintes...... en quelques secondes, me voilà sur la table, le ventre posé sur la couverture, les seins offert, sur le bois, et les jambes crispées, à moitié repliées, pour protéger mon intimité de la brûlure de l'ampoule.
    la position est inconfortable, j'essaie de descendre un peu ma taille, pour tester jusqu'où est ce que je peux aller, sans me brûler. lorsque je sens, à la base de mes lèvres, la chaleur rougir ma peau, je me relève légèrement, mes fesses s'offrant insolemment sous les yeux de mon Maître.
     
    Raphaël reste de longues minutes debout à côté de moi, comme s'il admirait son oeuvre..... je danse doucement d'un genou sur l'autre, pour essayer de tenir..... puis finis par parvenir à rester immobile..... en rentrant, seconde après seconde, de plus en plus profond en moi-même.
     
    Mon Maître paraît ravi que je sois capable de perdre mon regard sur ses doigts, qui cajolent les miens, sans manifester la moindre crainte.....
     
    il s'éloigne, et, lorsqu'il revient, il saisit doucement mes seins entre ses doigts, et, sans un mot, clippe les deux petites pinces métalliques sur mes tétons. je ne peux m'empêcher de gémir, la douleur irradie ma poitrine, puis se propage jusque dans mon bas ventre. Mon bassin ondule doucement, pour supporter la douleur, et je sens la chaleur de la lampe se rappeler à mon souvenir, à la base de mes cuisses. je resterai donc immobile, puisque c'est le seul choix qui m'est donné.
     
    Sans un mot, Raphaël se déshabille.... son corps, que je chéris chaque seconde plus fort, me paraît à présent si connu par mon esprit, que je crois que je pourrais le dessiner, du bout des ongles, même les yeux fermés......  
    je caresse sa peau nue du regard, embrasse le pli de ses coudes en moi-même..... pourquoi est-ce si souvent cet endroit précis de son corps que j'ai envie d'embrasser en premier?  
    lorsqu'il s'approche de moi, l'envie, la même envie que pendant cette longue semaine de privation, la même envie que lorsque la voix métallique s'est tue, fait trembler la peau de mon ventre...... mélange d'une tendresse que je ne suis pas capable d'expliquer, humaine, profondément humaine, et d'un besoin..... presque animal.... presque vital..... qu'il me fasse l'amour.....
     
    je sens la base de mes lèvres trembler d'envie..... je sens les muscles de mes jambes faiblir.....
    la brûlure de l'ampoule est si proche de ma peau...... la douleur commence à être palpable...... elle me soulage...... elle me rend l'oxygène que la voix métallique m'a volé.....
     
    Raphaël présente son sexe devant ma bouche, et je le prends en moi...... je sens son plaisir monter en lui, aussi vite que mon envie.....
    mon envie de lui donner tout le plaisir qu'il mérite est corrompue un instant, par la douleur..... car , comme s'il sentait que tout était donné trop facilement, Raphaël tire sur les pinces qui meurtrissent la peau de mes seins, les fait tourner entre ses doigts.....
    son sexe dans ma gorge étouffe mes gémissements de douleur.....
     
    j'ai besoin qu'il me fasse l'amour...... j'en ai tellement besoin..... lorsque l'ampoule brûlante se pose pour du bon sur la peau fine de mon intimité, tout mon corps s'affole de douleur...... j'ai envie de crier, mais Raphaël maintient mes lèvres autour de son sexe..... il me suffirait juste de tendre les muscles de mes jambes..... juste ça..... pour que la brûlure cesse..... mais..... je ne peux plus..... je suis allée trop loin..... je brûlerai, tant qu'il ne m'aura pas prise...... je brûlerai, tant que je ne serai pas à lui...... corps et âme.....  
     
    au moment où Raphaël retire doucement son sexe de ma gorge, la douleur devient insupportable..... comme s'il pouvait exister un seuil de non retour.....
     
    je pousse un petit cri étouffé, et me redresse..... mes seins rebondissent souplement, et l'une des pinces se déclippe.
     
    Raphaël sourit.....
    "tu n'as pas pu t'en empêcher, pas vrai?"
     
    je halète de douleur, retrouvant mon souffle contre le bois de la table.....
     
    "t'es vraiment une petite chienne."
     
    pour la forme, je lui jette un regard de reproche...... mais.... il a tellement raison..... je deviens Animale, quand il s'agit de lui, je le désire tellement que je ne pense plus humainement..... je perds toute notion de bien et de mal, je perds tous mes repères..... je perds Tout, et il ne me reste que lui.
     
    sans bruit, il me repousse vers la table...... la douleur de la brûlure fait encore trembler la peau de tout mon corps, et pourtant, lorsque son sexe se présente entre mes cuisses, un long gémissement de plaisir s'échappe de ma gorge.....  
    je love mon visage juste au creux de son épaule, et déguste chaque va et viens de son sexe en moi, comme un cadeau du ciel..... il me semble que nous avons joui exactement au même moment.....  comme si nos deux corps n'était plus que plaisir.....
     
    Raphaël m'a gardé longtemps contre lui..... caressant mes fesses, consolant mes seins..... un sentiment de bien-être m'a envahi.....  
    La Tendresse, cette drôle de tendresse qui me prend parfois.....
     
    J'ai eu une pensée pour Mathilde..... pour Matou, comme dit Raphaël..... pour cette voix métallique et égale.....
    j'ai imaginé un instant..... le corps d'une autre femme..... les doigts d'une autre femme s'entourant autour du téléphone, pour faire taire Ma voix métallique..... et j'ai serré plus fort mes bras autour de Lui.....
     
     "tu es un irresponsable. tout ne s'arrange pas toujours. tu n'es pas au dessus des autres..... la vie se vengera si tu continues de la toiser....."
     
    et pourtant..... la tendresse naît chez moi quand il toise..... et pourtant..... je ne peux plus détacher mes yeux des siens, quand il est au dessus de moi..... et pourtant..... il est superbe lorsqu'il est irresponsable, magnifique lorsque sa voix s'élève, et...... dans ces moments là, oui, il est Au Dessus..... Au Dessus de tous.....  
     
    Par delà ce qui s'est passé , ou ce qui se passera, je garde dans ma peau, dans mon souffle, dans chaque recoin de mon air, Ma victoire..... Ma Victoire qui enrobe mon esprit de tendresse..... Ma victoire de te voir comme ça, Raphaël.... combien t'ont vu, ou te verront avec ces yeux là?  
     
    on pourra bien me dire ce qu'on voudra, je Suis victorieuse..... tu as fait de moi une personne victorieuse..... Victoire de te voir ainsi......
     
    Victoire de connaître en moi cette tendresse qui me prend au ventre, lorsque tu toises..... lorsque tu oses..... lorsque tu t'entêtes, encore et encore, alors que tu sais que tu devrais t'arrêter,  lorsque tu jures alors que tu sais que tu mens.... lorsque tu exagères..... lorsque tu crois..... lorsque tu rends superbe la laideur de tes erreurs, lorsque tu n'as plus peur de rien, alors que tu devrais avoir peur.....  
     
    Mon cœur se tord de tendresse, lorsque tu Toises....  
     
    et ma tendresse crie Victoire.

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  • dès que nous sommes arrivés dans la cour intérieure de la "maison de ville", comme il l'avait noté sur le dossier,  j'ai compris pourquoi mon Maître m'avait dit que là-bas, ça n'était pas pour des clients de tous les jours.....
    les mosaïques colorées brillaient dans mes pupilles, et, pendant que Raphaël parlait, j'ai à peine écouté ses mots, et me suis éloignée d'eux.  
    la "véranda" m'a littéralement éblouie.... il me semblait que mon corps devenait plus léger entre ces murs, il me semblait que j'aurais pu m'envoler.....  
     
    que j'aurais pu m'envoler.....
     
    je ne me souvenais pas d'avoir déjà vu quelque chose d'aussi beau..... les vitres, autour de la pièce claire et spacieuse, semblaient mobiles tant les reflets du soleil en elles dansaient sans discontinuer..... de petits carreaux séparés les uns des autres par d'autres petits carreaux de mosaïques rougeâtre, ou argentée.... j'ai entendu plusieurs fois, au travers des ronronnements sourds des tourterelles sur les toits, Raphaël m'appeler, pour pouvoir partir, mais j'étais comme hypnotisée par ces lumières dansantes sur les murs autour de moi.... comme si mes pupilles étaient incapables de se fermer, et mes yeux incapables de se décrocher de ces petites lumières moqueuses....
     
    de hautes plantes vertes claires couraient dans la perfection des traits de cet endroit.... jamais je n'avais posé les yeux sur quelque chose de tel. aussi superbe..... une église, mais pour les humains.... je n'imaginais pas qu'un endroit tel que celui-là puisse exister.  
     
    sur le chemin du retour, Raphaël a paru surpris que cette simple pièce m'ait éblouie à ce point.... il a rigolé, a passé une main dans mes cheveux, et a murmuré "elle est disjonctée ma p'tite soumise".  
     
    je ne me doutais pas que, peut-être, cette drôle de fascination, cette étrange magie que je ne m'expliquais pas, comme un bug d'amour, un havre de paix entre mes neurones, un blocage immobilisant, soudain et inattendu, était la prédiction de..... d'une renaissance.... de la renaissance d'un mort.....
     
    mes talons claquaient clairement sur les pavés des petites rues..... Raphaël parlait argent.... il appelait le petit appartement dans la maison de ville la "perle"..... oui.... la perle ! sur ce point, je le rejoignais. je me laissais bercer par les mots techniques avec lesquels il parlait..... nous allions être comme des princes, d'ici peu, grâce à "la perle".
    tout est toujours si "faisable", avec Raphaël..... c'est pour ça qu'il me fascine.....
     
    c'est au coin d'une rue que mon cœur a cessé de battre.... il m'a semblé un instant que la lumière de la "perle" dansait à nouveau autour de moi..... impossible de respirer.... impossible de bouger..... ce corps, contre le mur.....
     
    ce corps..... endormi..... non..... simplement saoul..... ce corps..... Claude.
     
    "Nina, qu'est ce qu'il y a? Nina, qu'est ce que tu regardes?"
     
     
     
    La voix de Raphaël se fait lointaine.... si lointaine.....
     
     
     
     
    Nos silhouettes doubles soulèvent des nuages de poussière, et nous crions.... Claude a encore joué à nous terrifier, et les vieux ont sur leurs visages une moue rageuse, en direction de la 309 garée sur le sable.....

     
    Pourtant, Claude ne nous fera rien. Ce drôle de bonhomme au pantalon dix fois trop large pour ses jambes et ses hanches squelettiques ne nous fera pas de mal.  C'est une chanson qui nous le dit.  
    Tous les jours, nous passons de longs moments près de la 309, Claude chante en boucle "Envole-moi", de Goldman, et nous, nous rions......
     
    L'automne passe tout doucement, la 309 s'enfonce dans les feuilles jaunes..... et le froid arrive..... Favio pleure tous les jours, et moi je lui dis d'arrêter de pleurer, car, sinon, ses larmes vont se transformer en stalactites de glace dans le mistral.... ça le fait rire, il rit, et, au moins, il ne pleure plus....
     
    La 309 est un havre de chaleur, nous nous y blottissons, et Claude ramène des petits jerricans d'essence, le moteur toussote, et le chauffage s'enclenche..... Nous avons chaud, Claude chante "envole-moi", le son de sa guitare résonne dans la voiture et nous, nous sourions..... Claude est calé entre les sièges avant, et nous , sur la banquette arrière, nous sommes son public. un public enthousiaste et joyeux.
     
    le seul souci est que les "trous" nous volent notre chaleur. et, comme les autres enfants détestent Claude, simplement parce que leurs vieux à eux leur ont dit de le détester, ils prennent un malin plaisir à bombarder la 309 avec de grosses pierres, et les "trous" deviennent un réel problème.  
    Pas pour nous. Nous, le soir, dès que la lumière s'éloigne, nous filons vers les caravanes, et nous pelotonnons l'un contre l'autre sous la couette.... C'est pour Claude que les "trous" sont le plus problématiques.....  
     
    mais..... nous sommes des "chasseurs de chaleur", et Claude a trouvé un moyen formidable de nous faire exercer notre art....  
     
    Dès lors, dès que l'une de ses bières est terminée, nous avons tous deux pour mission d'aplatir le métal de la canette. nous ouvrons le métal sur sa longueur, avec le couteau de Claude, et aplatissons longuement le fer..... Claude rit de nos efforts, ponctués de petits "gémissements", comme si nous prenions notre tâche si à cœur que les coupures sur nos doigts étaient indolores.....c'est Claude qui décrète quand le métal est assez plat.
     
    il saisit alors le marteau, et les petits clous de tapissier, et colmate les trous..... chaque fois que les autres mômes bombardent, nous colmatons..... encore, et encore..... Nous sommes des "chasseurs de chaleur", Claude est un "chasseur de bière", et l'hiver passe, tout doucement......
     
    un soir, Favio, Claude, et moi sommes couchés en diagonale le long de la portière. Comme souvent, nous "colmatons", en gémissant joyeusement.
     
    Le père de Favio, mon tonton, est arrivé. Favio et moi n'avons pas eu le temps de comprendre.... il a attrapé Claude par les cheveux, et l'a fait se relever.... Claude était trop ivre pour se défendre.... les coups de poings sont tombés à une allure effrénée sur son visage....  
     
    Favio hurle, je cache ses yeux avec mes doigts.....
     
    Mon tonton bugle des choses que je ne comprends pas, il traite Claude de "pédophile". Lorsque celui-ci est tout à fait immobile sur le sol, un bras au-dessus de son visage, tremblant, pour essayer de se défendre, mon tonton se tourne vers nous.
     
    "il vous a violé ce fils de pute?"
     
    Favio m'interroge du regard, ne sachant pas ce qu'il doit pas répondre..... je ne sais pas non plus.
    je ne sais pas ce que signifie "violer".....
    je pense à "voler"..... voler..... envoler..... "envole-moi"...... oui..... Claude nous a envolés, pour quelques mois...... Favio voit dans mon regard un signe d'approbation.
     
    il tanque courageusement son regard noir dans celui de son père, et, insolemment, il dit
     
    "oui."
     
    comme il n'y a pas de réponse, et que Favio et moi haïssons son père d'avoir tabassé Claude, Favio ajoute: "et alors?"
     
    ce silence, toujours......
     
    "qu'est ce que ça peut faire?"
     
    D'un geste brusque, mon tonton nous tourne le dos....il est en train d'achever Claude à coups de pieds. "salaud, pervers......" . Claude essaie de se protéger, avec sa guitare, elle fait les frais des coups, puis se cogne durement contre la taule de la voiture, et ne le protège plus....
     
    j'ai envie de hurler pour que tout s'arrête, mais j'en suis incapable. je murmure "arrête. j't'en supplie, arrête." mais pas un son ne sort de ma bouche. Ma voix reste dans ma poitrine.
     
    Claude est immobile sur le sol lorsque mon tonton, haletant et ruisselant, s'arrête de le cogner.
    j'ai essayé de cacher les yeux de Favio, pour qu'il ne voit pas..... pour qu'il ne voit pas notre "ami" mourir.....  
     
    le pantalon trop large de Claude lui a glissé à mi-cuisses, pendant qu'il rampait sous les coups, et, lorsque nous nous éloignons, son sexe mou, reposé sur sa cuisse, laisse échapper un filet d'urine.... c'est la bière, je crois......
     
    nous suivons sans un mot le père de Favio qui s'éloigne de la 309, ses doigts resserrés autour de nos nuques, comme pour nous protéger.....  
    le soir, le ton s'élève plus haut que d'habitude derrière les fines parois des caravanes.....
     
    "on décolle. vite."
     
    j'ai emballé mes affaires...... et celles de Favio..... il y a des choses que je n'ai pas eu le temps d'emmener..... des chats que je n'ai pas eu le temps de retrouver.... moins d'une heure s'est écoulée entre le dernier coup de pied dans le ventre de Claude, et le vrombissement unanime de nos moteurs.....
     
    lorsque la voiture passe près de la 309, je pose mes doigts sur les yeux de Favio, et je sens son corps sangloter contre le mien....
    Etrangement, la seule chose à laquelle pense Favio, ce sont les animaux que nous n'avons pas eu le temps de retrouver , pour les emmener encore avec nous..... nos chiens..... nos chats.... Favio murmure le nom de nos animaux, en sanglotant contre moi....
     
    moi, je ne pense qu'à Claude.
     
     je me penche discrètement à la fenêtre, pour que mon tonton ne voit pas..... je fixe la terre qui entoure la 309.....
    Claude n'est plus là.....  
     
    ce sont les anges qui l'ont emmené..... je suis sûre que ce sont les anges..... ils l'ont "envolé", et Claude ne sera plus jamais embêté par les trous.....

     
     
     
    "Nina, pourquoi tu pleures?"
     
    ce corps..... contre le mur.....
     
    Claude.  
     
    je m'approche doucement, et m'accroupis devant lui..... je sens le regard de mon Maître, derrière moi, qui ne comprend rien.....
     
    je prends les mains de Claude entre les miennes..... elles sont sales..... son souffle sent l'alcool.....  
    mais..... il vit.
     
    de grosses larmes roulent le long de mes joues..... je murmure "Claude....." je répète son nom plusieurs fois, à voix basse....
     
    il ne se réveille pas. tant mieux. qu'est ce qu'il penserait de la petite fille qui a laissé dire qu'il avait "violé"..... je passe mes doigts sur son visage......  
     
    je suis restée longtemps accroupie devant cet homme.....
     
    "nina, tu le connais?"
     
    je ne réponds pas..... pour mon Maître, c'est un SDF, juste un SDF. pour moi, c'est un ange revenu du pays où l'on vole..... un ange vivant.... je ne peux plus arrêter mes larmes.....
     
    "nina, s'il te plaît, explique moi. s'il te plaît."
     
    je repousse mon Maître.
     
    je fouille dans mon sac, et n'y trouve que vingt euros..... vingt euros..... rien. pour ainsi dire rien. comparé à ces mois d'hiver....
     
    je les glisse entre les mains sales de Claude.... je ressers ses doigts autour de l'argent.....
     
    "nina, je ne sais pas à quoi tu joues, mais cet homme, il va la boire ta thune. t'es cinglée ma puce."
     
    je me relève, essuie mes larmes du plat de la main..... j'ai du mal à dégager mon regard du corps de Claude..... sa guitare est à côté de lui, posée sur le sol. je la glisse contre lui, plus près de lui..... pour qu'il ne la perde pas..... je me force à m'éloigner....  
     
    Raphaël n'a pas posé plus de questions.  
     
    il n'a pas compris, mais il a essayé de se forcer à respecter.
     
    Nous sommes rentrés chez nous....  
     
    le soir, lorsque Raphaël a voulu "jouer", en m'envoyant gaiement "à ma place", au pied de notre lit, je n'ai pas obéi.....  
    je suis venue me blottir contre son corps..... une sérénité que je ne connaissais pas m'a envahie..... le "jeu" m'a paru dérisoire.....  
     
    j'ai pensé longtemps..... à comment je me sers parfois de Raphaël, vivant mes "petits drames" silencieux en moi, pendant qu'il frappe..... sans jamais lui dire.....
    j'ai imaginé un instant que, peut-être, lui aussi, en frappant, vivait ses "petits drames", dont il parle si peu.....  
    j'ai murmuré "je t'aime Raphaël."
     
    je ne lui avais jamais dit..... en un an, jamais.  
     
    il a passé ses doigts sur mon visage, longuement..... "je sais ma puce....."
     
     
     
    moins d'une semaine après que j'ai revu Claude, mon Maître m'a emmené à nouveau dans la petite rue du logement "perle".
     
    Claude n'était pas là.
     
    Mon Maître a posé un bandeau sur mes yeux, nous avons monté l'escalier, j'ai entendu les clefs tourner dans la serrure, nous avons traversé la pièce et, arrivés dans la véranda qui m'avait tant fascinée la première fois, mon Maître a retiré le bandeau de mes yeux.
     
    il avait dessiné sur le sol, avec des petites bougies allumées, un chemin de moins en moins large, jusqu'au centre de la pièce.... nos deux corps ont joué longtemps l'un avec l'autre..... la cire des bougies a dessiné des formes fines sur mon corps..... j'ai gémi longuement en jouissant contre mon Maître..... j'ai eu l'impression de "m'envoler", sous ses doigts.... sous ses caresses.... sous sa langue.....
     
    et j'ai contemplé la lumière des bougies, qui se reflétait dans les vitres, et qui, une par une, s'éteignaient à mesure que nous mélangions plaisir et douleur....
     
    lorsqu'elles ont toutes été éteintes, j'ai réalisé que le "dessin" qu'elle formaient était peut-être la manière de Raphaël pour répondre à mon "je t'aime".....

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