• Stupeur "Vaudou", à la veille de l'été...

    C'est en m'appuyant sur l'extérieur de la grille pour reprendre mon souffle que l'onde de douleur m'est montée du bas des reins jusqu'à la nuque.

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    Tant que j'étais à l'intérieur, je n'ai pas réalisé, mais, en sortant, la douleur m'a prise sans prévenir, d'un seul coup, remontant tout le long de ma colonne vertébrale.

     

    je ne crois pas que ce soit une douleur due au choc, c'est simplement une douleur de contraction, à cause du coup de peur.

     

    Arizo me regarde avec un air vide, de l'autre côté de la grille.

     

    Ses dents étaient il y a moins d'une minute à deux centimètres de mon visage, et ses énormes pattes plaquaient mes épaules contre le mur.

     

    j'ai beau faire ma forte, je dois bien avouer que j'ai eu peur. Très peur. Il n'y avait plus personne nulle part depuis une bonne demie-heure, et, si elle avait décidé de me bouffer, il n'y aurait eu personne pour me tirer de là.

     

    je la regarde en me disant que si je parle, elle est morte.

    Ils ont bien prévenu : encore une, une seule manifestation d'agressivité, et on la pique.

     

    C'est normal, et ils ont raison. Elle pourrait s'en prendre aux petits, elle pourrait faire mal à l'un deux.

    Simplement... je ne veux pas être responsable de sa mort.

     

    Elle n'est pas méchante, simplement folle.

    Il y a quelque chose dans son esprit qui casse, et elle agresse. Sans prévenir.

     

    je ne dirai rien. Pas cette fois. Pas encore. Même si j'ai eu très peur.

     

    je m'éloigne vers les bureaux et le parking en grimaçant à chaque pas. Mon dos est en miettes. j'ai mal à en pleurer.

     

    Arrivée à la maison, je mords fort dans mon poing en espérant faire passer la douleur. Mais la douleur est là, et bien là. Elle reste, s'insinue entre chacune de mes côtes, et, me croyant seule, je gémis doucement.

      

    "Qu'est ce qu'il y a ma pépette ?"

     

    je relève la tête, surprise qu'Il soit déjà là. Surprise, mais soulagée.

     

    "je me suis fait mal."

     

    je lui dis que je me suis fait mal au dos au travail, sans parler d'Arizo. je n'ose pas lui dire que j'ai voulu faire ma maligne en rentrant dans les grilles après le départ des autres, et que c'est elle qui m'a broyé le dos en essayant de me bouffer. j'ai peur qu'Il me reproche, comme souvent, de, toujours, jouer avec le risque. j'ai peur qu'Il me reproche de ne jamais faire attention à rien, de n'être pas assez adulte.

     

    je croise ses yeux, je comprends, et je soupire de douleur.

    "Non Raphaël. Pas aujourd'hui. Pas ce soir. j'ai trop mal. Si tu me touches, je vais mourir."

     

    Il me sourit, me souffle à l'oreille : "Tout de suite les grands mots..." et me prend dans ses bras.

    Sa simple étreinte me coupe le souffle de douleur. Comme si mes os étaient fracturés de l'intérieur.

     

    Lorsqu'il me soulève, la douleur se décuple, et j'enfonce mes doigts dans son dos.

     

    "Raphaël, s'il te plaît... je me suis Vraiment fait mal. S'il te plaît..."

     

    "Tais-toi."

     

    Il me pose dans Notre pièce, et, comme je n'ai plus le droit de parler, je le supplie du regard.

    je ne veux pas. je ne peux pas.

    Pas ce soir.

     

    Il défait les liens qui étaient noués entre eux.

     

    "Raphaël, non..."

     

    Il pose ses doigts sur mes lèvres une dernière fois, et je me tais.

    j'ai peur.

     

    Pendant qu'il entoure les liens autour de mes poignets et de mes chevilles, je mets ma respiration au ralenti, pour être plus forte que le mal, dans tout mon dos.

     

    Il serre à peine les liens, et, au milieu d'eux, je prends la position qui me fait le moins mal.

     

    "Ouvre."

    Il présente un petit cachet blanc devant mes lèvres, dont je ne vois pas la forme, mais je ne veux pas.

     

    "Non Raphaël. je n'ai pas le droit. Pas de mélanges. j'ai déjà pris les autres, et au centre, ils ont dit que..." Il serre le bas de mon visage entre ses doigts, et je ne finis pas ma phrase.

    "Ouvre."

     

    j'essaie de me débattre, mais il me tient fermement, et me contracter pour essayer de lui échapper relance si fort la douleur dans mon dos que je finis par m'immobiliser de moi-même.

     

    "Arrête. je ne veux pas. je ne veux pas prendre le risque de retourner là-bas. La dernière fois..."

    j'ai parlé en serrant les dents, pour que le cachet ne puisse pas entrer dans ma bouche, mais la force de ses doigts autour de ma mâchoire a eu vite fait de lui permettre d'entrer.

     

    "Avale."

     

    je fais non avec la tête. j'ai peur.

    je ne veux pas retourner là-bas. je ne veux pas faire de mélanges, et retourner là-bas.

     

    "Avale nine. tu me fais confiance ou non ?"

     

    Le goût âcre du cachet se diffuse sur ma langue, et je sens les larmes me monter aux yeux.

    Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste que je sois obligée de prendre des risques pour lui prouver que j'ai confiance.

    Même si j'ai confiance.

     

    Entre deux sanglots, le cachet s'enfonce dans ma gorge, et j'ai peur.

     

    "Raphaël, s'il te plaît..."

     

    je ne sais pas à quoi ça sert que je le supplie, puisque c'est trop tard. Le cachet est en moi, se diffusant sans doute déjà dans mon organisme, et si je dois faire une réaction, si je dois perdre pied, perdre souffle, perdre vie, et être à nouveau dépendante des autres pour savoir si je peux respirer ou non, je ne peux plus rien y faire. C'est trop tard.

    Et c'est la faute de mon Maître.

    Et je lui en veux.

     

    "Ne me fais pas ces yeux là nine."

     

    Au ton ferme de sa voix, je me doute que mes yeux doivent trahir mon état d'esprit, qu'ils doivent être haineux, et je les détourne.

    Pour qu'Il ne les voit plus.

    Il m'empoisonne, et Il ne veut pas que je Lui en veuilles ?

     

    Quand Il s'éloigne de moi, je panique, dans mes liens.

    je ne veux pas qu'Il parte. je ne veux pas qu'Il me laisse.

     

    Il revient avec entre ses doigts la casserole d'eau bouillante, fumante.

    Celle qui sert généralement à clore nos jeux les plus passionnés.

     

    Si j'étais Passion, je serais souriante. Mon corps se tendrait déjà vers les brûlures à venir, tremblant d'envie.

    Mais ce soir, je ne suis pas passion.

    Ce soir, j'ai mal, et j'ai peur du cachet qui est en train de fondre en moi.

    j'ai mal et j'ai peur.

     

    La chaleur se rapproche de moi, et je me dis que, si je me contorsionne sous l'effet des brûlures, mon dos va se briser.

    Que je ne le supporterai pas.

     

    je ferme les yeux. Pourquoi est-ce qu'Il ne m'écoute pas ? Pourquoi ?

     

    je sens la chaleur se rapprocher de mes reins, et je gémis avant même qu'elle ne m'ait effleuré, me tendant, crispant tous mes muscles.

     

    Mais, étrangement, la chaleur ne ressemble pas à celle de d'habitude.

    C'est la main chaude de mon Maître qui s'est plaquée dans mes reins, s'appuyant contre ma peau, sans brûler.

     

    j'entrouvre les yeux, et vois la casserole, qui n'a pas bougé de la surface où elle est posée.

     

    Lorsque la main de mon Maître s'éloigne, je regrette son contact.

    je le vois se rapprocher de la casserole, et positionner sa main juste au-dessus de la surface de l'eau, dans la fumée blanche.

    je suis persuadée que la chaleur doit le brûler, et j'ai mal à l'idée que mon Maître puisse avoir mal.

     

    Il reste de longues secondes immobile, sa main au-dessus de la chaleur, me regardant calmement, sans me parler, puis revient à moi, et plaque à nouveau sa main sur mon dos, doigts écartés, contre ma peau.

     

    Il déplace lentement sa main, remontant presque jusqu'à ma nuque, la plaquant fort contre moi chaque fois qu'elle s'immobilise, et j'ai l'impression que la douleur dans mon dos suit sa chaleur, se déplace avec elle, se décuplant au point de me faire gémir, puis s'effaçant, comme si mon Maître pouvait la faire fondre en moi.

     

    je relève les yeux, et réalise que mes liens ne sont plus tendus autour de moi, que je m'y suis complètement laissée aller, comme si la peur m'avait quittée.

     

    Combien d'aller et retour, entre la casserole d'eau fumante et mon dos ?

     

    je ne sais pas...

    chaque fois, Sa main est revenue plus chaude encore sur ma peau, et, chaque fois, j'ai senti la douleur se dissiper un peu plus...

     

    Mon dos est bouillant, mais il n'y a plus de douleur.

    j'ai beau la chercher, je ne la trouve plus.

     

    Lorsque mon Maître me détache, je me relève, défais mes derniers liens, et cherche encore la douleur.

     

    Il me regarde d'un air secret, souriant, et je me demande par quel miracle il a pu faire sortir la douleur de moi avec la simple chaleur de l'eau sur ses mains.

     

    "Comment est-ce que tu as fait ?"

     

    Il rit, me murmure "Magic System", en roulant des yeux, et fait mine de faire trois pas de zouk, en s'éloignant vers la porte, alors qu'il n'y a pas de musique.

    je pouffe de rire.

     

    je me sens bête à présent, seule debout au milieu de la pièce, à côté de mes liens emmêlés sur le sol. Bête de ne pas lui avoir fait confiance. Bête, aussi, d'avoir fait tant de cinéma, de ne pas avoir été plus courageuse, alors que... ce n'était rien, ce dos, en fait.

    Et pourtant... je ne suis pas folle... je sais bien que j'avais mal à en pleurer, quand je suis rentrée à la maison. Comment a t'il fait? Comment ? Par quelle magie ?

     

    je passe à côté du petit meuble, et vois la plaquette de cachets ouverte. Par curiosité, je la prends entre mes doigts. Il manque un quart de cachet de Doliprane 250mg dans l'alu.

    Un quart sur du 250 mg.

    Rien, pour ainsi dire...

    Que j'ai été bête...

     

    Mais... comment est-ce que ça aurait pu suffire à faire passer la douleur?

     

    Mon Maître est devant son ordinateur, et il pianote.

    "ça va mieux ?"

     

    je rougis. je me sens si stupide.

    "Oui."

     

    je n'ai pas envie de le déranger, mais...

     

    "Raphaël ?"

     

    "Quoi ?"

     

    Il me sourit, et m'écoute. ça fait tout bizarre. D'habitude, Il n'écoute pas.

     

    "Comment est-ce que tu as fait ?"

     

    "Comment est-ce que j'ai fait quoi ?"

     

    Il sait très bien de quoi je parle, mais je crois que la situation l'amuse beaucoup.

     

    "Comment est-ce que tu as fait, pour faire partir la douleur ?"

     

    Sans me répondre, il me fait signe de m'approcher, et, lorsque je suis à sa portée, il tire doucement mes cheveux vers le bas.

     

    je n'oppose aucune résistance, et je prends ma position favorite, le visage sur ses genoux, sa main caressant ma joue, et ma nuque contre son ventre, pouvant sentir chaque mouvement de sa respiration.

     

    je cherche une dernière fois la douleur, essayant d'inspirer très fort, gonflant mes poumons d'air, pour voir si elle n'est pas cachée au fond, mais... elle a Réellement disparu.

     

    Une immense sérénité, presque comme une terrible envie de dormir, m'enveloppe.

     

    Et, alors que mes yeux se ferment contre la peau tiède de mon Maître, ses gestes, si précis, si mesurés, au-dessus de la casserole fumante, et le long de mon dos, me reviennent en mémoire. Son air secret, aussi, ce drôle de petit sourire, dont je n'ai pas compris le tiers...

     

    J'utilise ma dernière énergie, avant que le sommeil ne m'emmène, pour sourire, contre sa cuisse.

    Sourire, parce que j'ai l'impression de m'endormir contre un sorcier vaudou, ou un magicien, ou un Ange, dont la magie n'est simplement pas explicable, et que j'adore l'idée de m'endormir contre cette personne là.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 30 Août 2015 à 21:15

    La magie.

    Oui. Elle est bien là. On la sent. On la vit.

    Je t'embrasse

    L

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